Prologue
L’âge d’or des séries télévisées sur les réseaux nationaux américains et les chaînes câblées
Aujourd’hui, on parle des séries populaires comme La Casa de Papel, Stranger Things, The Queen’s Gambit. Dans les années 80, on parlait des séries des réseaux nationaux privés comme Friends (NBC). Ou encore des feuilletons tels que Dallas (CBS), la série X-Files (FOX), Loïs et Clark (ABC). Puis, dans les années 90 avec l’arrivée des chaînes câblées, on s’intéressait aux épisodes de The Sopranos, Sex and the City (HBO). En 2000, Dexter (Showtime), etc. Sans oublier les chaînes AMC et Fx avec Mad Men & Boardwalk Empire dans les années 2010.
Le point commun entre ces téléséries c’est qu’elles ont toutes déchaîné les passions des téléspectateurs au moment où la télévision était reine des écrans dans les foyers. Un engouement sans précédent pour les séries qui, petit à petit, a amené à la pratique du Peak TV. Cette pratique consiste à proposer encore plus de contenus divertissants pour satisfaire l’appétit des sériephiles devant leur télévision. Les chaînes de TV diffusaient de plus en plus de séries et d’épisodes aux téléspectateurs.
Entre 2002 et 2018, 313 séries ont été diffusées comme le montre ce graphique de recherche de FX aux États-Unis.
L'avènement des plateformes à la demande par abonnement
Le secteur audiovisuel a évolué :
- d’une part, avec l’arrivée d’une nouvelle forme de consommation de séries
- avec l’arrivée des nouvelles pratiques de consommation des séries d’une autre part, avec la démultiplication des écrans
Pour s’adapter, les chaînes de télévision ont proposé le VOD, le replay, l’enregistrement de programmes…
Puis, le secteur audiovisuel a été bouleversé par Internet et ses plateformes de streaming vidéo. Pourquoi ? Tout simplement parce que vous pouvez avoir accès à une diversité de films, de séries et de dessins animés de façon payante ou illégale.
Tout cela sur la même plateforme, de manière illimitée, sans changer de chaîne.
La manière dont nous regardons les séries a été bouleversée et accélérée par un rythme croissant de production de séries. Puis par un nouveau modèle de consommation et de diffusion qui a vu le jour via le streaming. Le géant Netflix a vu, derrière Internet et le SVOD, un vrai marché de niche pour répondre aux attentes des sériephiles et cinéphiles. En leur proposant d’avoir accès à un catalogue varié de programmes via Internet.
Avant d’en arriver là, ils ont dû faire un sacré chemin.
LE SVOD VERSION NETFLIX
L’entreprise Netflix a été créée en 1997 par Reed Hastings et Marc Randolph. Dès 1998, ils proposent aux États-Unis un service de location et d’achat de DVD à distance via leur site Netflix.com. La firme entre en compétition avec le service de location de VHS de Blockbuster Vidéo, leader du marché de la location de films à cette époque. Netflix propose un modèle de location basée sur l’envoi postal des DVD dont les dates de rendus étaient soumises à des pénalités de retard.
L’utilisateur devait renvoyer le DVD à la firme dans une enveloppe prépayée Netflix.
Credits Netflix – offre de location de DVD par publipostage
Cette alternative à la location permettait un gain de temps et assurait les clients d’avoir le DVD qu’ils souhaitaient. Ce qui n’était pas forcément le cas en magasin. Plus aucune frustration du côté du téléspectateur. La seule contrainte : attendre 48 heures pour visionner le film. Pour encourager d’autres cinéphiles à s’abonner à leur service, ils créent un partenariat avec trois fabricants de lecteurs de DVD : HP, Toshiba et Sony.
Chaque nouvel acquéreur de DVD, repart avec un abonnement offert, un super coup de publicité pour Netflix.
En 1999, ils obtiennent un investissement de 30 millions $ de la part de Bernard Arnault. Ils font évoluer leur service : dorénavant, pour avoir accès à une série illimitée de DVD, chaque utilisateur doit payer 19,95$ / mois. Petite nouveauté : plus de frais de retard sur les DVD à payer.
Netflix introduit un système d’algorithme basé sur la notation des films par les utilisateurs du service en 2000. Pour que l’utilisateur reçoive des recommandations ultra personnalisées pour choisir son prochain DVD. Un modèle basé sur l’historique personnel de l’utilisateur, comme on le connaît aujourd’hui.
Une innovation qui ne suffisait pas pour rentabiliser leur business model. L’entreprise propose à Blockbuster Vidéo, toujours leader, de les racheter. Netflix a fait face à un refus catégorique de leur part ne croyant pas aux DVD vu le prix des lecteurs. Une erreur de leur part au vu du succès aujourd’hui sur le secteur du SVOD.
Fait important en 2003, après avoir dépassé son premier million d’abonnés, la firme dépose un brevet pour protéger sa technologie. La plateforme propose aux américains de regarder des films et séries télévisées sur Internet en 2007. Entre 2008 et 2010, l’entreprise met en place des partenariats pour attirer le grand public et pour être accessible sur des supports multi-plateformes (consoles de jeux vidéo, décodeurs, téléviseurs numériques…).
Quoi de plus génial que de regarder des films 1 an après leur sortie au cinéma ou sa série préférée seulement 90 jours après sa diffusion à la télévision ? L’expérience streaming et ses diverses stratégies permettent à Netflix de dépasser rapidement la barre des 10 millions d’abonnés.
Le débarquement des programmes originaux Netflix
Le prix de l’abonnement est très alléchant : entre 9$ et 18$ / mois et sans engagement. Alors que le prix d’abonnement TV peut aller de 40$ à 100$ / mois, sans compter les frais de résiliation qui peuvent faire grimper la note.
Le 1ère série originale produite par Netflix est américano-norvégienne. C’est Lilyhammer créée en 2012 par Anne Bjørnstad et Eilif Skodvin.
C’est en 2013 que la série House of Cards débarque sur les écrans Netflix, une adaptation d’une série télévisée britannique des années 1990. Le coup de maître de la série, c’est d’avoir embarqué le téléspectateur au cœur de l’accession au pouvoir du personnage principal Franck Underwood.
La mise en scène de la série brille par ce jeu de face-à-face entre le téléspectateur et Frank, joué par Kevin Spacey. Une vraie addiction dès la 1ère saison, qui a permis à Netflix de s’imposer auprès d’un large public. La série a été nommée 51 fois et elle a reçu 6 prix prestigieux :
- 2 Emmy Awards
- 2 Golden Globes
- 2 Screen Actors Guild Awards
Netflix a produit plus de 700 séries et films originaux rien qu’en 2018. Cela a fait un volume énorme de programmes pour une seule plateforme !
En réalité, tous les programmes nommés “A Netflix Orginal Series” ne sont pas forcément des créations ou productions de la firme à proprement parler.
Par exemple The Good Place (NBC), Black Mirror (Channel 4) et La Casa de Papel (Antena 3) sont devenues des séries Netflix. Orange is the new black est une série sous licence produite par Lionsgate Television. En revanche, Stranger Things et The Crown sont des séries originales de Netflix.
Finalement, Netflix reprend les mêmes codes de l’industrie de la télévision, en commandant aux sociétés de production des séries ou films. Qui, par la suite, seront diffusés sous le label “Netflix Original”.
Sur la plateforme, vous trouverez des programmes pour toute la famille, pour les enfants, les adolescents, etc. Rappelons-nous que l’abonnement premium permet de profiter de Netflix sur 4 écrans de façon simultanée et jusqu’à 5 comptes personnels.
La richesse et la diversité du catalogue est un service pour satisfaire tous les goûts d’une famille, donc d’un large public. La firme fait apparaître un nouvel ligne éditorial à travers l’hyper-personnalisation de leurs produits sériels. Elle propose beaucoup de contenus qui traitent des sujets sociétaux d’actualités.
Est-ce une stratégie marketing pour attirer une cible précise ?
Ou simplement une manière de mettre en avant les sujets tabous très peu traités par les chaînes tv ?
L’ÉCONOMIE DE L’ATTENTION
Les séries “ Netflix Original ”, entre utopie et réalité
Pour comprendre, il faut revenir sur l’histoire des networks américains et leurs différentes lignes éditoriales. NBC propose des programmes aux valeurs universelles, CBS est à la fois pour tout le monde. Alors que ABC propose des contenus sur les valeurs familiales. Les 3 proposent une identité très forte pour attirer leur cible et proposent des contenus qu’elle sera susceptible d’aimer. Netflix a tout simplement fait la même chose afin de se démarquer de ses concurrents et de s’adapter à sa cible, les 15-35 ans principalement.
On peut le voir avec la mini-série When they see us qui traite de la discrimination raciale au sein du système judiciaire américain. Ou la série La Casa de Papel sous fond de braquage à l’espagnole et d’anti système.
La force des séries Netflix est de présenter des contenus mimant la réalité sociétale de manière universelle afin d’être proche du quotidien de ses cibles.
Une consommation programmée et en série
La personnalisation est l’arme de la firme et on la retrouve dans d’autres procédés. Comme les points de contact avec le spectateur quel que soit l’écran, afin que l’utilisateur reste le plus longtemps possible sur son smartphone ou sur son ordinateur.
D’ailleurs, l’expérience utilisateur a été extrêmement bien pensée par Netflix.
On retrouve l’expérience du cinéma à travers les bandes annonces, les affiches, la présentation des résumés. On y retrouve tous les codes du cinéma pour nous donner un avant goût de la série.
On peut le voir avec l’exemple de Dark, ci-dessous : titre de la série, composition de l’information, cadrage, angle de vue… Vous voyez comment l’image mange l’écran pour permettre au spectateur de se plonger dans l’univers du programme ? Tout nous incite à rester sur la page, soit pour cliquer sur lecture ou ma liste, via un bouton rectangulaire blanc ou l’accroche “recommandé à 98%” en vert tape à-l’oeil.
Les catégories sont présentées par thématique et il y a une catégorie “Nouveautés” : Tendance actuelles, Nouvelles séries… En précisant quelle genre de programme vous souhaitez comme on peut le voir ci-dessous. Vous remarquez comment les affiches mettent le ou les héros des séries ou films en avant.
Netflix suggère un grand nombre de séries à l’abonné selon ses goûts et ses envies… C’est d’ailleurs la force du système de recommandation qui commence dès l’inscription, lorsqu’il faut choisir ses préférences ? La technologie est utilisée tout au long du parcours Netflix et se base sur l’historique de visionnage de l’abonné.
Tous les faits et gestes des utilisateurs Netflix sont analysés (genres regardés, avis laissés, fréquence, géolocalisation…). Toutes les données permettent à Netflix de connaître les goûts individuels des abonnés. Et de leur proposer une liste personnalisée de programmes qu’ils aimeraient regarder.
Rappelez-vous, la recommandation est utilisée par Netflix depuis ses débuts. Aujourd’hui, elle permet à Netflix de proposer des contenus personnalisés à ses abonnés. Grâce aux données collectées par la firme, celle-ci connaît parfaitement les goûts de ses utilisateurs. L’algorithme de Netflix permet au pure player de se mettre à la place de l’utilisateur et de pouvoir imaginer des futurs scénarios ou programmes qui collent aux envies des spectateurs.
L’épisode Bandersnatch de Black Mirror en est un parfait exemple.
Le spectateur participait à l’épisode puisque celui-ci était interactif. Au fil de l’avancée de l’épisode 5 plusieurs fins de scénarios étaient possibles. Au-delà du dynamisme de l’intrigue, Netflix a montré sa force de frappe dans l’industrie du divertissement.
La firme est en capacité de fournir le contenu qui correspond directement aux goûts des spectateurs pour répondre individuellement à leurs attentes. Une satisfaction client que Netflix continue d’optimiser et d’entretenir de différentes manières.
ÉPILOGUE
Netflix a bouleversé le monde de l’audiovisuel en créant un service illimité basé sur l’abonnement et la recommandation. En proposant aux passionnés une variété de contenu au même endroit, quand ils le veulent.
Ce que la télévision ne peut pas faire, car limitée par les créneaux horaires et ne pouvant diffuser en direct qu’un seul programme. Cependant, les chaînes de télévision n’ont pas dit leur dernier mot. De plus en plus de chaînes proposent des services SVOD afin de concurrencer le pure-player Netflix : Disney +, OCS, Hulu, HBO Now, CBS All Acces…
Pour le moment, Netflix a une longueur d’avance, tout est fait sur leur plateforme pour une consommation rapide et à la chaîne des séries…
Autant pour satisfaire les goûts des utilisateurs que pour créer des séries qui traitent des sujets sociétaux du quotidien ou d’événements qui ont fait l’actualité récemment.
C’est là qu’entre en jeu les recommandations et le big data pour les garder sur la plateforme et leur faire consommer un nombre gigantesque de contenus. Ces deux notions permettent de faire naître une nouvelle forme de créativité pour construire les séries et les films (scénario, intrigue, personnage…).
Pour mieux capter l’attention du spectateur en l’orientant vers les contenus qu’il aimerait voir.
Le “ big data ” va-t-il devenir la nouvelle norme de création des studios de productions ?
Huis Clos Noir