Prologue

La libération et l'institution du transfert des joueurs professionnels

Chaque saison, le marché des transferts est l’événement footballistique de l’entre-saison. Un mercato d’été qui alimente des folles rumeurs, digne d’un scénario de Hollywood et chaque année, ça fait le buzz. À lui seul, le marché des transferts est devenu depuis quelques années, un blockbuster qui rapporte des sommes pharaoniques aux clubs européens.

Depuis 2011, les dépenses financières pour renouveler leur effectif sont en hausse, les prix prennent des allures de spirale infernale qui tend à l’inflation. 

Les transferts sont dominés par les clubs ultras-riches qui dépensent des fortunes et déséquilibrent l’ensemble du marché mondial. À chaque mercato qui pointe son nez, les folies dépensières de certains clubs interrogent : Comment le football a-t-il basculé dans une nouvelle bulle spéculative ?

Tout commence dans les années 1990, Jean-Marc Bosman joue pour le club RFC Liège (Belgique). En fin de contrat, ce dernier veut rejoindre le club de Dunkerque sauf que son club formateur s’y oppose. À l’époque, les joueurs en fin de contrat n’avaient pas la liberté de signer pour une autre équipe sans l’accord de leur club. Si, un club voulait recruter Bosman, il devait avoir que l’aval du RFC Liège. 

Bosman se lance alors dans une bataille judiciaire de 5 ans contre son employeur pour que les footballeurs aient les mêmes droits que n’importe quel travailleur européen. Et que les clubs ne demandent plus d’indemnité pour un joueur en fin de contrat, entre autres. 

Depuis, tout joueur en fin de contrat n’est plus tenu prisonnier de son club. Ils peuvent circuler en Europe, comme tout travailleur européen. Cela a provoqué un raz de marée dans le milieu du foot. L’arrêt Bosman marque le début d’une accélération de la mobilité des joueurs et une envolée des prix de joueurs.

Tour d'Europe de la valeur marchandes des joueurs professionnels

Cette nouvelle ère footballistique a engendré un système “hyperspéculatif” puisque les montants dépensés pour acquérir des joueurs explosent. Le marché des transferts est un levier majeur pour la réussite de son club sur la plan sportif. Sur le plan financier, il peut permettre une plus-value importante à la revente de joueurs. 

L’enjeu est de taille pour un club de football pro européen dont la stratégie est de faire le choix le plus judicieux en matière de ressources humaines. 

Les tendances évolutives des prix des transactions

Pour bien comprendre la spectaculaire inflation footballistique qui sévit depuis 2013. On va s’intéresser aux prix des transactions des joueurs les plus emblématiques des années 2000. Et qui ont gagné le Ballon d’or : Zidane, Figo, Shevchenko et Nazario.

Ces joueurs de talents ont fait partie des transferts les plus chers des années 2000 comme on peut le voir dans le tableau ci-dessus. Les sommes déboursées étaient entre 44 et 75 millions d’euros. Ces montants étaient très rares dans le milieu du foot mais c’étaient le prix à payer pour recruter des joueurs d’exception à cette époque.

les 10 transferts les plus coûteux dans l'hisyoire du football

À partir de 2013/2014, les prix des transactions vont complètement changer. La somme d’argent qui permettait d’acheter un joueur exceptionnel au début des années 2000, ne permet aujourd’hui que d’acheter un bon joueur.

Autre différence : aujourd’hui, on achète un joueur pour son potentiel et donc sa probable future revente.

En conséquence, cela a généré une inflation folle puisque aujourd’hui, un club n’achète plus un joueur que pour son niveau de jeu. Mais, aussi pour son potentiel puisqu’ils sont et à l’aube d’une carrière très prometteuse. Ce qui engendre très souvent des surenchères pour les recruter. On peut le voir dans ce tableau ci-dessous, la tendance s’est inversée pour avoir un poulain d’exception. Le prix de 60 millions d’euros est devenu une norme.

les 3 transferts les plus coûteux de la saison 2014-2015

Il est intéressant, aussi, de constater que la montée de la valeur marchande des joueurs est due aussi à l’offre réduite de joueurs très talentueux. Ils attirent les convoitises des dirigeants de clubs, puisque ces jeunes footballeurs professionnels vont voir leur côte évoluer, lors d’un futur transfert.

La rentabilité recherchée lors des transferts a fait naître une bulle spéculative autour de la valeur marchande des joueurs. D’ailleurs c’est sur cette côte que les actionnaires misent de plus en plus pour s’enrichir et construire leur réputation. Afin d’être vus comme des clubs acheteurs et/ou vendeurs incontournables du football européen. 

C’est pourquoi le nouveau modèle de rentabilité est centré sur le “trading du capital joueurs”, c’est-à-dire la valorisation financière des joueurs de football.

Une plongée au coeur de la valorisation d’un joueur

On ne peut pas évoquer la question de la bulle spéculative sans savoir comment est établie la valeur d’un joueur de foot ? Pour le comprendre, on va prend en compte quatre types de paramètres principaux :

  • L’âge reste le critère le plus important. La raison est simple : la marge de progression est plus élevée pour un jeune joueur pro qu’un joueur en fin de carrière. Le club qui achète réfléchit en premier au retour sur investissement qu’il va pouvoir en tirer lors d’une prochaine revente. Par exemple, Kylian Mbappé acheté 145 millions€ + bonus (35 millions) par le PSG en provenance de Monaco a tout juste, 18 ans. Joa Félix acheté 126 millions d’euros par l’Atlético Madrid

 

  • Le poste du joueur n’est pas à négliger puisque, le but du foot, c’est avant tout une histoire de gagner des victoires et de faire un show. C’est pourquoi, les attaquants sont les joueurs considérés comme les plus chers. Par exemple, les joueurs offensifs ont vu leur valeur marchande exploser. C’est le cas de Neymar Jr vendu 222 millions d’euros par le Barça au PSG, en août 2017. 

 

  • Après, un joueur sélectionné en équipe nationale aura une valeur marchande supérieure à celui qui n’est pas appelé, quel que soit le poste qu’il occupe. De même pour le nombre de titres remportés, cela peut avoir une grande incidence sur la valeur du joueur.

 

  • Et enfin, les performances des joueurs en club sont un gage de reconnaissance. Par exemple pour un joueur offensif, on va prendre en compte ses statistiques individuelles, le nombre de buts marqués et les passes décisives. Alors que pour un gardien, il on va prendre en compte, le nombre d’arrêts effectués ou le nombre de matchs sans avoir encaissé de buts. 

Par contre, un élément qui peut coûter très cher au club, c’est d’investir dans un joueur qui se blesse souvent, ne s’adapte pas au système de jeu du coach. Puisque ce type de joueur verra sa cote baisser et le club perdra de l’argent à la revente. 

Par exemple, c’est le cas de Paul Pogba qui a été blessé très souvent sous les couleurs de Manchester United. Sa côte était de 100 millions d’euros en 2019, elle a chuté à 80 millions d’euros en 2020. Mais malgré ses blessures à répétitions, il reste un joueur de classe internationale et le milieu de terrain indispensable des Red Devils. 

C’est la raison pour laquelle les clubs réfléchissent à leur recrutement et investissent auprès de joueurs à fort potentiel qui dominent de plus en plus le marché du foot.

C’est pourquoi, ces dernières années, la valeur marchande des joueurs a évolué de façon phénoménale.

ÉPILOGUE

Le prêt avec option d’achat, le nouveau mercato estivale

Finalement, l’inflation du marché des transferts a contribué à creuser encore plus les déficits et les dettes des clubs européens, même des géants. Comme la rentabilité des clubs dépend principalement des achats et des ventes des joueurs. Certains clubs ne peuvent plus se permettre de dépenser des sommes onéreuses. 

C’est pourquoi, ce modèle de rentabilité centré exclusivement sur le « trading des joueurs » devient de plus en plus fragile puisqu’il ne leur permet pas de retrouver un équilibre financier. Pour rester dans la course, les clubs se tournent vers le prêt avec option d’achat pour limiter la casse. 

Tout le monde est gagnant :

  • Pour le club vendeur, c’est la garantie d’économiser le salaire du joueur qu’ils ne veulent pas garder pour la saison prochaine et de récupérer un pourcentage à la revente. Par exemple, la Juventus de Turin a gagné 18 millions d’euros, pour avoir prêté l’attaquant argentin Higuain à l’AC Milan et Chelsea. 

 

  • Pour le club acheteur c’est la l’assurance d’avoir un joueur pour une somme dérisoire, et prend moins de risque que de l’acheter lors de gros transferts. Si, il y a une option d’achat lors du prêt, c’est la possibilité de tester le joueur avant de l’acheter et d’éviter une erreur de recrutement.

De plus, le prêt est une idée ingénieuse pour narguer l’UEFA et passer entre les mailles du filet du FPF (fair-play financier). Cette combine n’a pas d’incidence sur les dépenses de trésoreries de l’année où le joueur est prêté pour le club. Puisqu’elles sont déduits sur une autre année et, en fonction de l’année de l’option d’achat. 

Grâce à cette astuce, le PSG a recruté Neymar Jr et Mbappé.

Voici, comment ce nouveau modèle économique du prêt se retrouve au cœur du marché des transferts européen pour faire face aux prix exorbitants des maestros du ballon rond. Dans un futur proche, il ne sera plus rare de voir un joueur de football faire un passage dans plusieurs clubs successifs lors de sa carrière.